THE WORLD IN PANTAGRUEL'S MOUTH
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terre neufve ou ilz ont et soleil et lune et tout plein de belles be–
soignes; mais cestuy cy est plus ancien.-Voire mais, dis-je, comment
a nom ceste ville Oil tu portes vendre tes choulx?-Elle a, dist iI, nom
Aspharage, et sont christians, gens de bien, et vous feront grande
chere." Bref, je deliberay d'y aller. Or, en mon chemin, je trouvay un
compagnon qui tendoit aux pigeons, auquel je demanday: «Mon
amy, d'ont vous viennent ces pigeons icy?-Cyre, dist il, ils viennent
de l'aultre monde." Lors je pensay que, quand Pantagruel basloit, les
pigeons a pleines voUes entroyent dedans sa gorge, pensans que feus!
un colombier. Puis entray en la ville, laquelle je trouvay belle, bien
forte et en bel air; mais a l'entree les portiers me demanderent mOll
bulletin, de quoy je fuz fort esbahy, et leur demanday: «Messieurs, y
a il icy dangier de peste?-O, Seigneur, dirent ilz, l'on se meurt icy!
aupres tant que le charriot court par les rues.-Vray Dieu, dis je, et
ou?" A quoy me dirent que c'estoiten Laryngues et Pharyngues, qui
sont deux grosses villes telles que Rouen et Nantes, riches et bien
marchandes, et la cause de la peste a este pour une puante et infecte
exhalation qui est sortie des abysmes des puis n'a gueres, dont ilz
sont mors plus de vingt et deux cens soixante mille et seize personnes
despuis huict jours. Lors je pense et calcule, et trouve que c'estoit une
puante halaine qui estoit venue de l'estomach de Pantagruel alOTS
qu'il mangea tant d'aillade, comme nous avons dict dessus. De la
partant, passay entre les rochiers, qui estoient ses dentz, et feis tant
que je montay sus une, et la trouvay les plus beaux lieux du monde,
beaux grands jeux de paulme, belles galeries, belles praries, force
vignes et une infinite de cassines a mode italicque, par les champs
pleins de delices, et la demouray bien quatre moys, et ne feis oncques
telle chere pour lors. Puis descendis par les dentz du derriere pour
venir aux baulievres; mais en passant je fuz destrousse des brigans
par une grande forest que est vers la partie des aureilles. Puis
trouvay une petite bourgade a la devalUe, j'ay oublie son nom, ou
je feiz encore meilleure chere que jamais, et gaignay quelque peu
d'argent pour vivre. Sfavez-vous comment? A dormir; car l'on loue
les gens a journee pour dormir, et gaignent cinq et six sols par jour;
mais ceulx qui ronflent bien fort gaignent bien sept soh et demy. At
contois aux senateurs comment on m'avoit destrousse par la vaUe,
lesquelz me dirent que pour tout vray les gens de dela estoient mal
vivans et brigans de nature, a quoy je cogneu que, ainsi co'mme nous
avons les contrees de defa et dela les montz, aussi ont ilz defa et
dela les dentz; mais il fait beaucoup meilleur defa, et y a meilleur ·air.